Isabelle Kocher au women’s forum: quelle sera l’énergie de l’économie du partage ?

30/11/2016

Actualité

L’économie du partage est-elle synonyme d’un monde de partage ? Tel était le thème de la 12e édition du Women’s Forum, qui se tient du 30 novembre au 2 décembre à Deauville. Isabelle Kocher est intervenue sur le thème de la révolution de l’économie de partage à venir dans l’industrie de l’énergie et a publié dans le Huffington Post une tribune sur le sujet.

 

Retrouvez ci-dessous la tribune d’Isabelle Kocher publiée dans le Huffington Post le 29 novembre 2016.

Comment l’économie du partage et l’énergie durable va modifier l’économie des plus démunis

Quelle sera l’énergie de « l’économie du partage » ?

Un marché où chacun est désormais en mesure de fournir un bien ou un service à un tiers, où la frontière entre producteur et consommateur s’estompe, telle est la nouvelle économie du partage. Cette dynamique est synonyme de progrès économique et social, parce qu’elle remet en question les positions établies des grands acteurs dans l’ensemble des secteurs. Elle crée aussi un rapport de forces plus favorable au consommateur, qui dispose désormais d’une plus grande liberté de choix.

À première vue, l’énergie semblait protégée de ce phénomène de profonde transformation de la société. Les investissements colossaux nécessaires à l’exploitation, le transport, la distribution ne semblaient à la portée que de quelques grands groupes internationaux. Comment des particuliers pourraient-ils concurrencer les grands acteurs et produire et commercialiser eux-mêmes l’énergie ?

Pourtant, à y regarder de plus près, le même phénomène souterrain de décentralisation de la production, de remise en cause de l’ordre établi et d’émergence d’un consom’acteur est à l’œuvre dans le monde de l’énergie, comme dans celui de l’économie du partage.

Le développement des énergies peu ou pas émettrices de CO2 comme le solaire, l’éolien et le gaz naturel, combiné aux innovations numériques et au stockage, accélère le mouvement de décentralisation de la production d’énergie. Les grandes installations que nous connaissons sont progressivement remplacées par une myriade d’acteurs de plus petite taille. Les grands groupes doivent s’adapter à ce nouveau système, où leurs clients (particuliers, collectivités, entreprises), sont capables, tout comme eux, de produire de l’énergie.

La remise en cause radicale des situations acquises ne s’arrête pas aux grandes entreprises de l’énergie.

Le déploiement des énergies renouvelables, en particulier du solaire, permettra aux pays en voie de développement, notamment ceux qui ne disposent pas de ressources fossiles de s’affranchir de leur dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs. C’est ainsi un renversement de l’ordre géopolitique actuel qui se dessine, où la dépendance énergétique entre pays sera abolie et l’accès au développement facilité.

J’en suis convaincue, l’énergie solaire représente le point de bascule du futur écosystème. Ressource gratuite, illimitée et inappropriable, elle est la source d’énergie qui permettra le plus rapidement de parvenir à un accès universel à l’énergie. Elle est aussi la source d’énergie qui répond le mieux aux logiques de l’économie du partage, puisqu’elle peut être développée à toute petite échelle et favorise l’auto-consommation.

C’est pourquoi ENGIE est devenu il y a quelques mois membre fondateur d’une initiative forte et inédite que j’ai l’honneur de présider, l’Initiative Terrawatt (TWI). Cette organisation mondiale à but non lucratif travaillera avec l’Alliance Solaire Internationale et ses Etats membres pour établir les conditions nécessaires au déploiement massif d’une production d’énergie solaire compétitive.

L’Initiative Terrawatt associera largement les citoyens car je suis pleinement convaincue qu’une participation la plus large possible, ouverte aux hommes et aux femmes de bonne volonté, est nécessaire pour construire cette société plus solidaire et plus juste. C’est pour cela que j’organiserai avec des personnalités de haut niveau, la première journée mondiale de l’énergie solaire qui aura lieu à Paris le 20 juin prochain.

Comme dans les autres secteurs touchés par la révolution de l’économie du partage, la mobilisation des citoyens sera indispensable. En particulier, je crois qu’il est crucial que les femmes participent à la construction de ce nouveau monde. Les femmes sont les premières touchées par les effets du dérèglement climatique, comme le rappelle ONU Femmes. La raréfaction des ressources naturelles, provoquée par le réchauffement climatique, les oblige à consacrer davantage de temps à certaines tâches, comme le ramassage du bois ou les corvées d’eau. Ceci les enferme dans l’économie domestique et restreint leur champ des possibles. Les femmes seront ainsi les premières bénéficiaires de la démocratisation de l’accès à l’énergie et du déploiement des énergies renouvelables.

Plus généralement, les bénéfices seront immenses pour les quelque 1,3 milliard de personnes privées d’accès à l’énergie. Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie Africa Energy Outlook 2014 rappelle les nombreux effets positifs d’un accès stable et de qualité à l’énergie : développement des infrastructures de transport, communication, chauffage urbain, éclairage public, traitement de l’eau, essor des activités artisanales et commerciales, etc. Ces infrastructures sont la condition même de l’établissement de systèmes éducatifs ou de santé publics modernes et efficaces. En outre, un système de qualité mettant fin aux fréquentes coupures de courant permettrait d’améliorer la productivité des entreprises et donc d’accroître la richesse créée et distribuée. L’accès à l’énergie est ainsi la pierre angulaire d’une amélioration continue et durable du niveau de vie des populations.

L’émancipation des femmes et des populations des pays en développement pourrait être l’ultime étape du renversement des rôles dans la révolution énergétique en cours.