Définir des corridors de prix carbone pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris
29/06/2017Actualité
Face à la décision du Président Trump, de nombreux acteurs souhaitent relancer la dynamique de transition vers une économie bas carbone – c’est-à-dire une économie qui émet peu ou pas de gaz à effet de serre.
Pour atteindre les objectifs fixés à Paris en décembre 2015 et limiter l’augmentation de la température moyenne à la surface de la planète en dessous de 2°C, il faut réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40% à 70% d’ici à 2050 (80 à 85% en Europe).
Afin d’enclencher cette dynamique, donner un prix aux émissions de gaz à effet de serre (souvent formulé comme : « donner un prix au carbone ») est un outil économique largement reconnu bien qu’encore trop peu utilisé : à l’échelle planétaire, 87% des émissions actuelles ne sont toujours pas assujetties à un prix carbone !
Lors de la COP21, le Business Dialogue (instance de dialogue entre les chefs d’entreprise et les négociateurs de l’Accord de Paris) co-présidé par M. Mestrallet a activement soutenu l’importance d’insérer les signaux prix carbone dans l’Accord de Paris.
En effet, donner un prix au carbone permet d’inciter aux changements nécessaires dans l’investissement, la production, ainsi que dans les modes de consommation car il revient à :
- Faire payer aux émetteurs de gaz à effet de serre une somme proportionnelle à leurs émissions.
- Récompenser les acteurs qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre.
- Orienter les choix d’investissements et de consommation en faveur des solutions et technologies qui émettent peu de gaz à effet de serre.
Pour donner un prix au carbone, plusieurs méthodes existent :
- Mettre en place un « marché du carbone » (ou « marché des droits à polluer ») où les acteurs s’échangent des permis d’émissions (1 tonne de gaz à effet de serre émis = 1 quota) dont le nombre est limité et décroissant dans le temps.
- Taxer les émissions de carbone, afin de faire payer les pollueurs à proportion de leurs émissions.
- Définir des normes qui, de manière indirecte, vont inciter à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (ex : normes d’émissions, suppression des subventions aux combustibles fossiles etc.).
Quelle que soit la méthode choisie, l’intérêt est que ce prix soit suffisamment significatif pour enclencher des actions et des prises de décisions qui vont dans le sens de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ce niveau de prix va donc varier selon les régions dans la mesure ou les systèmes energétiques et industriels sont différents. Il est également important d’adapter les niveaux de prix à la situation et aux choix des pays en matière de politique publique. Un pays à faible revenu, qui aura du mal à protéger les populations vulnérables des effets négatifs peut, par exemple, décider de commencer avec un prix plus bas qui augmente par la suite.
Plutôt que de s’évertuer à tenter de définir un prix mondial unique, il est donc beaucoup plus pertinent de définir des prix du carbone régionaux !
Pour encadrer ces différents prix et s’assurer qu’ils soient bien alignés avec les ambitions de l’Accord de Paris, définir des « corridors » de prix du carbone (avec un prix plancher et un prix plafond) est une idée qui s’impose de plus en plus.
L’idée clé est de faire en sorte que les différents prix que chaque pays signataire de l’Accord de Paris voudra imposer à son économie soient bornés par un prix plancher qui assure que tous les acteurs fournissent l’effort minimal qui permette d’enclencher la transition.
L’avantage du corridor est également de donner une bonne visibilité de l’évolution de la trajectoire du signal prix carbone pour les investissements de long terme, via le prix plafond.
Au niveau européen, le rapport Canfin-Grandjean-Mestrallet – remis au Président Hollande en 2016 – défend ainsi la mise en place, au sein du marché du carbone européen, d’un « corridor de prix ». Ainsi, un prix plancher de 30€ en Europe permettrait de substituer la production d’électricité au gaz à la production d’électricité au charbon. Les réductions d’émissions du secteur électrique qui en résulteraient seraient supérieures à 100 millions de tonnes par an.
Au niveau international, la Commission Internationale de Haut Niveau sur les Prix du Carbone présidée par Lord Nick Stern et Joseph Stiglitz travaille actuellement à définir un corridor de prix du carbone qui permette à la communauté internationale de définir des prix qui permettent d’atteindre de manière efficace les objectifs climatiques de l’accord de Paris tout en encourageant la croissance. Pour l’aider dans cette démarche, la Carbon Pricing Corridor Initiative, pilotée par l’organisation We Mean Business et le Carbon Disclosure Project (CDP) et composée d’entreprises – dont ENGIE – travaille à définir des corridors de prix pour le secteur énergétique.
Récemment, le Président Macron et le Ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot se sont prononcés en faveur du concept de corridor de prix, avec une première étape pour laquelle la France essaie de convaincre l’Allemagne de définir un prix plancher commun pour le secteur électrique.
Si une tarification du carbone est indispensable pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris, elle doit néanmoins impérativement s’accompagner de mesures visant à promouvoir l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, l’innovation et les avancées technologiques, ainsi que les investissements sur le long terme dans des infrastructures durables.